Pourquoi nous appelons à voter « non » au référendum de la junte militaire au Tchad
La campagne électorale référendaire démarre au Tchad ce samedi 25 novembre et prendra fin le 15 décembre 2023.
Consulter directement le peuple sur la forme de l’Etat (unitaire ou fédéral) est une recommandation du faux Dialogue qui s’est tenu du 20 août au 8 octobre 2022 à N’Djaména.
La junte militaire qui détient le pouvoir au Tchad, a fait le choix d’un seul projet (Etat unitaire fortement décentralisé) au lieu de deux projets (unitaire et fédéral) et a tout organisé pour que le « oui » gagne au référendum constitutionnel du 17 décembre prochain.
Dans un pays où :
- la population est analphabète à plus de 80% ;
- les gouverneurs, les préfets et les sous-préfets sont des militaires nommés par la junte et qui contrôlent tout avec les moyens de l’Etat ;
- les autorités traditionnelles et coutumières sont nommées et auxiliaires de l’administration publique ;
- sévit depuis plus de trois décennies un système mafieux qui détient tout le pouvoir et tout l’argent public volé ;
La probabilité pour que le « non » contre le pouvoir gagne au référendum est quasiment nulle. Dans le Tchad actuel, il n’y a aucun espoir de changer les choses par la voie démocratique des urnes.
Ce lundi, 239 partis politiques et ex politico-militaires sur les 268 partis en activité au Tchad, ont signé pour adhérer à la coalition pour le « oui » mise en place par le gouvernement. L’impact d’un éventuel boycott du référendum sera donc tout aussi insignifiant et un tel boycott ne peut être que symbolique.
C’est pourquoi nous avons décidé d’exprimer notre position de principe sur la forme de l’Etat dans notre pays même si rien ne changera avec la configuration actuelle.
Pendant longtemps, nous avons milité pour l’unité, la fraternité, l’égalité et la justice, et prôné la politique de l’intégration régionale en Afrique mais au Tchad, nous n’avons jamais été plus divisés qu’aujourd’hui, l’égalité et la justice ont quitté le pays, l’Etat au sens noble du terme a disparu, la fraternité n’existe plus au sein même d’une famille de sang, il y a à la place le désordre et la violence à chaque coin de rue et jusqu’à dans les villages les plus paisibles. Ces valeurs humaines n’ont servi qu’à renforcer une dictature implacable. Aujourd’hui, une bonne frange de Tchadiens (les plus compétents et les plus expérimentés) sont exclus de la gestion du pays. A la place, on a des bandits sans foi ni loi qui pillent et qui saignent à blanc notre pays.
Avec la forme unitaire actuelle de l’Etat, des régions entières à l’exemple du Borkou-Ennedi-Tibesti (BET) sont restées figées dans l’extrême sous-développement et écartées de tout projet de développement depuis plus de 30 ans malgré un sous-sol très riche. Une forme fédérale de l’Etat avec une gestion locale des ressources pourrait constituer une voie pour un développement harmonieux des entités régionales en tenant compte de leurs diversités.
Nous appelons donc à voter « non » au référendum de la junte militaire et se tourner vers un Tchad fédéral même si le fédéralisme n’est pas la panacée universelle pouvant résoudre tous nos problèmes de mauvaise gouvernance qui se sont accumulés depuis plusieurs décennies.